Texte de ma déclaration devant le Grand Conseil du mardi 3 juillet à l'issue du débat sur les exonérations fiscales accordées dans le canton de Vaud, suivi d'un bref commentaire.
"C'est
parce que le chef du département des finances a énuméré bon
nombre de chiffres dans son intervention finale le 19 juin que
j'avais alors demandé la parole. Et
c'est parce que les chiffres donnés, mais pas seulement lors du
débat, prêtent à question que je souhaite vous faire part de
quelques remarques et réflexions à ce sujet.
En
effet, je dois bien avouer que j'éprouve un assez grand malaise
quand aux chiffres qui ont été transmis à la délégation, qui ont
été cité ici et là dans des réponses à des interpellations par
exemple, qui ont aussi parfois été contestés tout au long du
processus initié par le Contrôle fédéral des finances ...
Et
ce malaise se transforme même, pour moi, en un doute parfois profond
quant au fait que le GC et la population soient informés de manière
la plus complète et la plus correcte.
Je
vais donner quelques exemples pour illustrer ces propos ... et ces
doutes:
Tout
d'abord, après avoir demandé la liste des entreprises exonérées
hors arrêté Bonny (donc pour l'ICC uniquement), le chef de l'ACI a
fourni à la délégation une liste de 41 entreprises.
2
ou 3 semaines plus tard, suite à une autre demande de la délégation,
un rapport Ernst & Young faisait soudain apparaître cette fois
une liste de 63 entreprises. Le questionnement légitime de la
délégation quant à cette différence n'a trouvé qu'une tentative
de justification pour le moins peu crédible ... d'autant plus quand
dans les sociétés « oubliées » sur la première liste
en figurent une au moins dont le bénéfice se calcule avec un
chiffre à 8 zéros ...
Un
autre exemple, concernant cette fois le nombre d'emplois réellement
créés, qu'ils soient importés ou locaux. La base sur laquelle
s'appuie le CE pour donner ses chiffres, (depuis les demandes
insistantes de la gauche d'ailleurs) provient aussi d'un rapport
Ernst & Young. Mais comment interpréter les chiffres
contradictoires contenus dans ce second rapport du 8 mai 2012 ... On
y trouve tout d'abord un tableau qui mentionne, pour 2009, 3514 ETP
pour 97 sociétés exonérées ... soit ... mais lorsqu'à la page
suivante du même rapport on peut lire que les employés « locaux »
(calculés en ETP) sont au nombre de 3534 soit plus nombreux que le
total même de l'ensemble des employés de ces 97 sociétés, avouez
avec moi que cela interpelle une fois encore. Dans ces conditions, on
s'étonnera dès lors d'autant moins que la délégation n'ait jamais
pu obtenir le ratio entre emplois locaux et emplois importés ... les
premiers nous paraissant évidemment prioritaires.
3e
exemple: le même rapport E&Y indique le montant des impôts qui
seraient payés par ces employés, calculés, comme mentionné, sur
une moyenne de 150'000.- de revenu par ETP.
Or,
dans des tableaux que nous a remis le SPECO et dans lesquels on nous
donne le total de la masse salariale de chacune de ces entreprises,
le total général et le nombre d'ETP; un rapide calcul entre cette
masse salariale et le nombre d'ETP permet donc de trouver la moyenne
réelle et l'on s'aperçoit avec pas mal d'étonnement que la base de
calcul utilisée par E&Y conduit à des montants supérieurs de
presque 20% à la réalité des chiffres donnés par les propres
services du département de l'économie ! Avouez une fois encore que
c'est pour le moins surprenant et inquiétant !
Dernier
exemple:
Dans
son long plaidoyer d'il y a quinze jours, M. Broulis a donné
également le montant des investissements consentis par les
entreprises exonérées: il a avancé la somme de 3,1 milliards ...
là aussi ce montant est calculé d'une manière pour le moins
bizarre: pour une partie des entreprises exonérées (celles sous le
régime arrêté Bonny) on tient compte d'investissement
« incorporels »; ceux-ci correspondent à la moitié du
total des investissements décomptés; or il m'étonnerait que le CE
puisse affirmer que ce presque milliard de francs concernés soient
des investissements qui touchent réellement l'économie vaudoise. On
s'étonnera encore, de ne pas avoir la même base de calcul pour les
investissements des entreprises exonérées uniquement pour l'ICC,
puisqu'ici on ne tient pas compte de ces fameux investissements
« incorporels », ce qui ne l'occurrence paraît plus
crédible. En définitive, on arrive à un total évoqué par M.
Broulis mais qui ne tient pas compte des mêmes éléments selon le
type d'exo accordée, ce qui ne contribue pas vraiment à la clarté
souhaitée.
Ces
quelques exemples, qui montrent le flou et les imprécisions ou
écarts parfois importants et inquiétants qui entourent tous les
renseignements donnés expliquent pourquoi je suis encore extrêmement
réservé et ne saurait donner aujourd'hui le blanc-seing que
certains attendent visiblement ... Il n'est pas possible, pour moi,
de passer sous silence ce que je qualifierais de fonctionnement
problématique des services concernés, trop souvent incapables de
renseigner d'une manière totalement fiable, jusqu'au moment en tout
cas où le contrôle fédéral des finances puis la délégation de
vos commissions de surveillance s'est penchée sur la question. En
l'état, j'attends donc encore avec impatience le rapports complet du
Contrôle cantonal des finances et celui de la Cour des Comptes, en
émettant le souhait que cette dernière ne soit pas entravée dans
ses travaux par des difficultés qu'elle aurait à obtenir tous les
documents et renseignements dont elle a besoin pour mener à terme
son travail.
Je
terminerai en disant que je crois cependant que le Conseil d'Etat est
conscient des problèmes que j'ai évoqués et qu'il a déjà pris un
certain nombre de mesures afin, notamment, que le suivi des
exonérations soit totalement irréprochable. Les recommandations et
la proposition de tableau de suivi faites par la délégation qui
s'est penchée sur cette problématique devraient y contribuer. Tout
comme les éléments présentés jeudi dernier par les Conseillers
d'Etat en charge des finances et de l'économie et qui ont tenu une
conférence de presse afin d'y présenter
les
critères d'analyse pour les demandes d'exonérations fiscales des
entreprises, endogènes ou exogènes, qui servent les intérêts
économiques du canton. Ce document met, selon le Conseil d'Etat,
l'accent sur un rééquilibrage en faveur des activités de recherche
et développement et de production. C'est à saluer. Mais dans la
mesure où il n'exclut en aucune manière l'exonération de sociétés
de base, donc de grandes multinationales, nous pouvons penser que les
critères éthiques, même si ce terme déplaît ou fait peur à
certains, que ces critères éthiques prendront une importance plus
grande que celle qu'il m'a semblé percevoir dans la communication
des responsables de département: en effet, lorsque j'entends M.
Leuba affirmer à la Télé.ch qu'aucune
porte n'est fermée
cela me fait tout de même un peu souci et je ne suis pas persuadé
que ce soit cela que souhaite l'ensemble du Conseil d'Etat ! Malgré
ce petit bémol, on peut déjà se réjouir de la nouvelle direction
prise par le gouvernement. Comme lui, nous pouvons souscrire à la
pérennisation de cet outil de promotion économique dans la mesure
où il se trouve beaucoup mieux cadré et dans la mesure aussi où
les commissions de surveillance seront, j'en suis certain,
régulièrement et complètement informées. Demeure encore la
question des statuts spéciaux accordés aux sociétés étrangères
et dans ce cadre, il nous paraît important de mieux cadrer les
pratiques fiscales à tous les niveaux et de définir là-aussi des
critères extrêmement précis et transparents, tout en veillant à
ne pas priver les cantons de ressources fiscales importantes et
utiles au maintien de prestations tout aussi importantes pour les
habitant-e-s de notre canton.
Il
s'agit d'un exercice d'équilibre pas nécessairement facile ;
mais connaissant l'attachement indéfectible de notre ministre des
finances à la préservation des équilibres, je suis assez confiant.
Nous
continuerons donc d'accorder une attention toute particulière à
cette question tout en attendant une transparence bien plus grande
que celle qui a prévalu jusqu'à aujourd'hui, estimant, par exemple,
qu'il n'y a aucune raison que le secret fiscal soit appliqué
différemment dans le canton de Vaud que dans celui de Genève, en
particulier pour ce qui est du nombre de sociétés qui bénéficient
d'exonérations et de la masse fiscale totale exonérée."
Commentaire:
Le ministre des finances, Pascal Broulis, n'a pas pu justifier les différents écarts autrement qu'en disant que les chiffres donnés étaient des photographies prises à un moment donné ... Décidément ... on doit beaucoup aimer David Hamilton du côté de la Rue de la Paix !
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